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11 novembre 2018 - J'ai passé la matinée au château de Pinon

... et un peu de l'après-midi aussi.
Il en est résulté ceci.

« PINON - Le Château // The Castle »
(B. Nougarède et H. Lestrat Ed., Soissons)
Carte postée à Bazoches (Aisne) le 3 octobre 1919
et représentant le château de Pinon
tel qu'il s'est trouvé au lendemain
de l'armistice du 11 novembre 1918
Coll. Hervé MOLLA

© Hervé MOLLA - 2018

































De ces ruines, sans doute impossibles à relever,
aujourd'hui il reste encore bien moins...

Tout a été dit du pourquoi et du comment, d'une manière générale.
Quant à Pinon, il sera facile de retrouver sur Internet
(prodigieux instrument, on l'oublie bien trop, donnant 
« accès au plus grand nombre » à l'art et à la culture,
pourvu que celui-là ne gaspille pas son temps,
alors qu'il prétend par ailleurs le vendre si cher, 
sur les « réseaux sociaux » et autres foireux « forums »
où il s'enhardit, et de plus en plus, à faire assaut de sauvagerie)
la façon dont le château et son parc se sont trouvés
« au mauvais endroit, au mauvais moment ».
Mais les châteaux ont-ils le choix ?
Surtout ceux de plaisance !
Et surtout ceux construits à la place de châteaux de défense
(détruits d'être devenus inutiles ou au contraire détruits
afin qu'ils le soient), comme ce fut le cas à Pinon.

« De l'ancien château de Pinon,
il ne reste rien, pas même un dessin ou un plan »,
écrit Victor PETIT (qui parle bien sûr, et en historien, non en prophète, de l'édifice médiéval)
dans un petit ouvrage qu'il a composé, textes et images, 
paru 1856 à Laon sous les presses de FLEURY Ed. :


« UNE MATINEE AU CHATEAU DE PINON »

brochure dont la couverture précise que celle-là

« se vend exclusivement au profit des Pauvres 
de la commune de Pinon »

au  « prix de 1,5 franc »
et 2,5 francs « avec gravures sur papier de Chine ».
Les gravures en question sont des lithographies de Victor PETIT,
d'après ses propres dessins, imprimées par THIERRY Frères, Paris ;
du moins pour ce qui est des illustrations hors texte.

On pense bien que mon goût des images, outre la générosité 
que certains me reconnaissent envers les pauvres, 
et peut-être quelquefois avec raison,
et jusqu'à la prodigalité si je me trouve de bonne humeur,
m'a fait me procurer l'édition « de luxe ».
A vrai dire, c'est un luxe que tout un chacun peut s'offrir 
à pas cher puisque Google a eu l'idée de numériser l'ouvrage, 
d'après un exemplaire conservé à l'université de Princetown,
dont on trouvera le fac-similé au bout du lien suivant :


Voilà qui m'évite un fastidieux travail !

On voudra bien se porter d'emblée à la page 55
(on aura tout le temps ensuite de reprendre sa visite 
du château & du parc, guidée par Victor PETIT)
pour découvrir le « chalet du lac » 
(gravé par PÉGARD, d'après V PETIT ; volets et porte clos).
Car il existait un « lac » à Pinon, 
ainsi qu'un « chalet » au bord de celui-là ; 
ce que ne laisse pas supposer la carte postale d'après le désastre.

« Vers l'extrémité la plus étroite du lac,
s'élève un châlet [sic] construit en 1826 et qu'on entrevoit à peine
au milieu des plantes grimpantes qui le recouvrent.
Bien souvent, durant la belle saison, des visiteurs
viennent dans ce châlet [sic] faire un joyeux déjeûner [sic].
Vers l'extrémité opposée, près des îles, etc. »
On ne sait si le Kaiser ou le Kronprinz 
furent de ces visiteurs à y faire joyeux déjeuner ;
mais si tel fut le cas, ce fut dans un chalet... agrandi
par rapport à celui construit en 1826
par Ernest DUBOIS, vicomte de COURVAL (1795 - 1871),
propriétaire de Pinon, esthète, collectionneur et mécène.


Le chalet du lac de Pinon
Lithographie en couleurs par BECQUET Frères, Paris,
d'après un dessin de Victor PETIT
(257 x 352 mm)
Planche n°7 extraite de l'album
« Habitations champêtres : recueil de maisons, villas,
châlets [sic], pavillons, kiosques, berceaux, parterres, gazons, serres, orangeries, parcs et jardins, dans tous les styles
dessinés d'après nature par Victor PETIT »
Ed. MONROCQ Frères, Paris, sans date
Coll. Hervé MOLLA
© Hervé MOLLA - 2018


Il est arrivé quelquefois, non pas véritablement qu'on me reproche 
la longueur des titres que je donne à certaines de mes œuvres, 
mais qu'on s'en étonne.
Sera-t-on moins étonné de la longueur du titre complet
de ces « Habitations champêtres » ?
L'ouvrage jouit d'une grande renommée,
particulièrement aux Etats-Unis,
et reste toujours très convoité en vente publique.
A cause d'une grande modernité dans le pittoresque a-t-on dit.
(mais la planche que je possède, et qui nous intéresse ici,
est, elle, en couleurs ; de surcroît sans rousseurs 
et avec de très infimes salissures).
Publié sans date, Google (ou bien est-ce l'université américaine ?)
suppose à l'ouvrage une édition de 1848.
Cela ne se peut.
On a vu tout à l'heure la physionomie du chalet en 1856 ;
et qui aura donc duré une trentaine d'années.

De même, un dessin original de Victor PETIT,
situé et daté de 1850,
et que j'ai eu le bonheur de rencontrer en vente publique,
montre le chalet dans son tout premier état.


« Châlet [sic] du lac de Pinon »
dessin original rehaussé de Victor PETIT
(situé en bas & à gauche,
daté de 1850 et signé en bas & à droite)
Coll. Hervé MOLLA
© Hervé MOLLA - 2018

« Châlet [sic] du lac de Pinon »,
dessin original rehaussé de Victor PETIT,
situé en bas & à gauche, 
daté de 1850 et signé en bas & à droite(détail)
Coll. Hervé MOLLA
© Hervé MOLLA - 2018


Plutôt que 1848, il semble donc plus probable
que l'édition MONROCQ des « Habitations champêtres »
(pour user du titre court) se situe vers 1860.
C'est déjà d'une grande... Comment pourrait-on dire ? 
Modernité, comme on a déjà dit.


Pour achever (mais les œuvres sont-elles jamais véritablement achevées ?) au moins mon « itinérance mémorielle » de cette journée, disons, et fidèle à mes habituels détours,
j'ai réuni (je travaille sur la Réunion, le sait-on ?)
à ces vues dispersées du chalet du lac de Pinon, 
saisi dans des temps rapprochés d'avant le désastre qui l'a emporté,
et jusqu'à son souvenir (qui n'est pas persuadé en effet que le chalet de la planche n°7 des si célèbres « Habitations champêtres », et comme tous les autres édifices figurés dans l'album, 
et malgré le titre qui précise bien, non pas bavard mais précis, 
qu'ils ont été « dessinés d'après nature », 
qui n'est pas persuadé qu'il s'agit de visions d'artiste,
et d'une modernité à venir ? On sait ce qu'il advint.)
j'ai réuni deux ex-libris, provenant de la bibliothèque de Pinon, qui eux aussi ont survécu.




Ex-libris d'Ernest DUBOIS, vicomte de Courval,
bibliothèque du château de Pinon,
lithographie de DEMANNE
69 x 60 mm
Coll. Hervé MOLLA
© Hervé MOLLA - 2018

Ex-libris d'Ernest DUBOIS, vicomte de Courval,
bibliothèque du château de Pinon,
lithographie de DEMANNE
92 x 85 mm
Coll. Hervé MOLLA
© Hervé MOLLA - 2018

Ernest DUBOIS de COURVAL, avait reçu Pinon en 1822, 
à la mort de son père Alexis DUBOIS de COURVAL.
Il écartèle les armes de celui-ci, 
« d'argent à trois fasces d'azur »,
avec celles de sa mère, Augustine POILLOÜE de SAINT-MARS,
« d'argent à trois chevrons partis de sinople et de sable ».
Il avait épousé en 1823 Isabelle MOREAU (1803-1877),
fille du maréchal MOREAU.
De cette union était né Arthur en 1826.
Est-il téméraire de penser que le si charmant chalet, 
dont Victor PETIT nous dit qu'il a été construit en 1826, précisément, l'ait été à cette occasion ?
Notons encore que cet Arthur fut le père 
de Madeleine DUBOIS de COURVAL (1870-1944), héritière de Pinon,
princesse de Poix (par son mariage avec François de Noailles, duc de Mouchy et 10e prince de Poix)
et qui tint sous ce nom un petit rôle dans la Recherche...
avant d'être la contemporaine du désastre
qui vit disparaître et château, et lac et chalet.
Quant à ce DEMANNE 
qui signe la gravure lithographique des ex-libris, 
il est probable qu'il soit Louis Félix DEMANNE 
qui exerça à Paris, 39 rue d'Enghien, du 13 octobre 1821 
au 13 décembre 1825, selon l'autorisation administrative 
qui fut accordée.
(Source : Editions en ligne de l'Ecole des chartes)
Voilà qui s'accorde en effet tout à fait bien 
avec le moment auquel Ernest DUBOIS de COURVAL hérite Pinon.

Enfin, Victor PETIT nous apprend (in op. cit., p.40) 
que la bibliothèque de Pinon occupait une « grande salle éclairée par deux fenêtres et en partie garnie de boiseries », 
à l'extrémité nord-est de la grande façade donnant sur les jardins
(elle se serait donc située à l'arrière du château
tel que nous le montre la carte postale qui ouvre cet article)
et qu'elle était riche de quelque 6000 volumes.
Se pourrait-il que les images portées par deux d'entre eux
aient décidé de venir rejoindre celles du chalet, 
réunies par mes soins ? 
Les cotes qu'ils portent respectivement, « V. 1. », « A. 7. »
(Victor PETIT nous dit encore ingénument que « cette belle bibliothèque [était] classée et cataloguée avec ordre »)
seraient-elles un indice ?

Et à quoi s'attendre désormais ?

10 novembre 2018 - J'ai relu une carte postale

C'est une carte postale, et d'un modèle assez rare,
à mon avis, puisque je n'en ai jamais rencontré d'autre exemplaire, 
apportant des informations intéressantes sur l'état du bâti 
et de « l'urbanisme » d'alors, en milieu rural,
et qui représente « un coin du bourg », voisin de ma maison, 
tel qu'il était il y a cent ans.
En effet, la carte postale porte la date du 29 décembre 1914 qui, 
en ce qui concerne l'apparence de ce « coin du bourg », 
constitue un terminus ante quem.
Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui,
ce n'est pas tant l'image du recto de la carte postale
(dont on fera donc l'économie), que le verso 
dédié à la « correspondance » qu'elle véhicule jusqu'à nous 
et jusqu'à aujourd'hui, précisément.



Carte postale,
représentant « un coin du bourg »,

voisin de la maison d'Hervé MOLLA,
dans les premières années du XXe siècle,
située & datée du 29 décembre 1914 au verso

(c'était un mardi, 
ainsi que nous l'apprend l'Éphéméride)
et portant une correspondance (vœux de nouvel an)
reliant différentes personnes non identifiées
(et qu'en français médiatique d'aujourd'hui
on dirait, de manière gravement fautive,
à mon avis, et doublement !, « anonymes »

alors qu'elles nous sont simplement inconnues ;
et, en quelque sorte, comme le Soldat si fameux)
Coll. de l'Artiste
© Hervé MOLLA - 2018

« Le Pradeau, 29 décembre 1914
Chère Cousine,
Je vient vous offrir nos meilleurs vœux de nouvel an ; 
que l'année qui va commencer nous apporte la fin
de cette terrible guerre, la paix dont ont a temps besoin.
J'espère que mon cousin n'est pas encore parti. 
Edouard n'ont plus mais il attend tout les jours, 
a tout ça et bien triste. 
Je vous assure que je trouve le temps bien long.
Mes parents vous envoie bien des amitiés 
et mon fils en bon baiser.
J'espère que vous êtes en bonne santé.
Avec nos souhaits, nos bonnes amitiés a tous les deux,
Votre cousine Mathilde »


Peut-être aura-t-on pris le temps de remarquer
que la transcription de la « correspondance »
« respecte » cette dernière
(seule la ponctuation a été corrigée, parfois ;
et peut-être aussi une ou deux majuscules).
Il ne s'agit pas de « stigmatiser »,
comme on dit aujourd'hui par chez nous,
ni d'ironiser, comme on pratique si volontiers,
(y étant même encouragés, et jusqu'à la folle enchère)
et sans le moindre humour
(qui donnerait en quelque sorte un bâton pour se faire battre).
Il s'agit de mettre à l'épreuve « l'intelligence artificielle »
des traducteurs automatiques (car ce blog est suivi à l'étranger de manière extraordinaire, et pour moi incroyable ; et sans doute bien au-delà d'un public francophone) qui,
attachés au culte du sens, et comme tout un chacun désormais,
en sont les bigots ; et jusqu'au contresens !
On est donc prié de respecter les formes !
Ou bien d'en inventer de nouvelles ...