Mon article d'hier a bien plu
(en réalité, il ne s'agit pas de « plaire » ou de « déplaire »
lorsqu'on a la chance de n'avoir à courtiser ni rien ni personne ;
je veux seulement dire qu'on l'a trouvé, mon article d'hier,
intéressant).
Même à certains qui se fichent bien de « Marmont 1er »
(comme disait Napoléon), et de lui comme d'une guigne
ou bien d'une cerise sauvage, d'une marasque de Zara
(dont on fait le marasquin ; mais refermons vite la parenthèse subreptice et n'anticipons pas).
On est aujourd'hui en 1806. Au tome III des Mémoires.
Et Marmont vient tout juste d'être nommé gouverneur de la Dalmatie.
p. 27 :
« Mais ce pays [l'intérieur de la Dalmatie,
la « Dalmatie très profonde » pourrait-on dire,
en usant d'une sorte d'anachronisme, assumé, comme on les aime]
si triste et si pauvre, est habité par une population belle,
valeureuse et susceptible d'enthousiasme, ignorante, simple,
confiante, capable de dévouements pour ses chefs ;
mais comme tous les Barbares,
elle ne comprend pas les abstractions ;
pour la remuer, il faut frapper ses sens
et la soumettre à une action matérielle.
Cette population, paresseuse comme toutes celles dont la civilisation est reculée, abuse de sa force,
et les femmes y sont employées aux travaux les plus pénibles,
tandis que les hommes se livrent au repos ou à leurs plaisirs [...]
cependant la force et la beauté [c'est Hervé MOLLA qui souligne,
et à défaut d'établir un lien en un clic au profit des paresseux]
frappent tous les étrangers. Cette beauté et cette force
tiennent à diverses causes.
Le régime auquel la population est soumise et la misère
font périr tous les enfants faibles et mal constitués,
il n'y a que les forts et les robustes qui résistent.
Chaque génération subit donc une espèce d'épuration qui donne lieu
à la production d'une race haute et vigoureuse. »
Après quoi Marmont revient sur cette « taille et cette beauté »
avant d'aborder l'état des routes...
(Il reviendra souvent à l'état des routes et aux communications
car il se montre un excellent administrateur, d'un esprit très pratique, soucieux des populations)
p. 50 :
« Les magistrats de Politza [aujourd'hui Polijca] sont annuels.
Il y a douze comtes qui commandent chacun un village
et l'élection du grand comte se fait par toute la population assemblée [...]
Le grand comte dont l'exercice finit dépose dans un lieu indiqué
une boîte de fer renfermant la charte des privilèges
[il s'agit vraisemblablement, à mon avis, des privilèges
autrefois octroyés par Venise à cette vallée dalmate].
Le plus ambitieux et le plus hardi va la prendre
sous une grêle de pierres : quand il s'en est emparé,
s'il a pu le faire vivant, il est reconnu grand comte. »
Marmont en conclut que « ce mode d'élection en vaut bien un autre ».
A la faveur d'événements actuels, exquis et qui stupéfient le monde,
force est de reconnaître que les Français, qui passent encore parfois pour le peuple le plus civilisé de la terre,
ont pris l'habitude, depuis trois décennies peut-être, disons,
de jeter la grêle de pierres sitôt après avoir élu leur grand comte, plutôt que de l'avoir fait avant.
Quel est le contraire de « force et beauté » ?
Faiblesse et laideur ?
p. 52
« J'avais pris à mon service un Dalmate,
d'une grande et rare beauté, natif de Spalatro.
Sa taille et son costume le rendaient vraiment remarquable ».
Et de nouveau, les routes, les routes, les routes...
p. 102
Une lettre du Major général à Marmont
(datée de Finkenstein, 3 avril 1807):
« L'intention de Sa Majesté est que [...]
vous ferez partir de Raguse une compagnie du 2e régiment,
complétée à cent-vingt hommes, en choisissant dans l'infanterie
des hommes beaux et forts. Vous ferez partir une compagnie d'artillerie de la Dalmatie [on rappelle en passant que Marmont, tout comme Napoléon, est un ancien officier d'artillerie],
que vous ferez également compléter à cent-vingt hommes,
de la même manière que ci-dessus. Vous ferez partir deux compagnies d'artillerie italienne [...] en choisissant des hommes forts et beaux. »
Pour finir cet article, pourtant sans image obligatoire
(une fois n'est pas coutume dans un blogue artistique),
dans le registre « voir et être vu ; et des uns par les autres » :
« Les Croates, relevés à leurs propres yeux,
étaient devenus fiers, et les Turcs disaient d'eux
qu'ils avaient pris la peau française [en italique dans le texte]. »
(T. III, p. 358)
Et puis cette menace, devenue commune alors,
des parents à l'endroit de l'enfant réfractaire
(et que Marmont ne craint pas de rapporter) :
« Tais-toi ou Marmont va venir ! »
Au XVIe siècle, c'était le grand duc d'Albe qui était l'ogre
(et sans doute à juste raison !) pour les enfants hollandais.
Il y a belle lurette que nos chères têtes blondes ou brunes
ne craignent plus ni Dieu ni diable...
Et comme si elles avaient vraiment pris « la peau française ».
Auraient-elles désormais moins d'excuse à ne pas grandir ?