Qu'on ait jugé astucieux de faire de la galerie des cloîtres des monastères espagnols, si bien construits et si solides,
des escarpes et contrescarpes tellement commodes
(et de s'en vanter dans ses Mémoires, sans le moindre regret !)
m'avait hier irrité contre Marmont. Maudit artilleur !
Heureusement, et comme souvent, Chateaubriand est venu me consoler.
A vrai dire, c'est Jean d'Ormesson qui est venu de sa part.
Voilà qui ne devrait pas surprendre.
Ainsi, notant dans mon agenda de La Pléiade une vente prochaine relevée sur Interenchères, je suis tombé, juste après la journée du dimanche 20 janvier, sur cette citation tirée du Vagabond qui passe sous une ombrelle trouée :
« Je pensais à mon vieux Chateaubriand [qui est le mien aussi
et que nous devons, moi et Jean d'Ormesson (pour suivre un ordre
de préséance à la Marmont, comme on a vu hier), partager avec beaucoup, et pour commencer avec Victor Hugo qui n'est quand même pas « rien » non plus] et à cette belle phrase
que j'aimais déjà à la folie avant de finir de la comprendre :
Rompre avec les choses réelles, ce n'est rien,
mais avec les souvenirs ! Le cœur se brise
à la séparation des songes. » [C'est Hervé Molla qui souligne]
Marmont lui fait écho :
« De bonne heure j'ai mis du prix aux souvenirs. » (T. II, p. 272)
Voilà qui touche infiniment plus que le récit de la blessure
reçue à Salamanque (Marmont manque d'être amputé d'un bras) où,
s'en allant du champ de bataille d'où les Anglais sont repoussés,
il s'entend prononcer « à haute voix, ce vers de Racine,
dans Mithridate : "Et mes derniers regards ont vu fuir les Romains".
On voit que mon esprit n'était pas abattu » en conclut-il.
Qui en aurait douté, qu'il faille le préciser ?
Mais je ne vais pas recommencer à ironiser.
Plutôt oublier ma rancune et suivre ce « sentiment de justice
et de bonté naturel à mon cœur » que Marmont s'attribue aussi.
Et puis, en partage, cet amour de Venise et de l'Italie :
« J'allai, pendant mon séjour à Udine, revoir Venise [on sait que Marmont y retournera encore et qu'il y mourra en 1852], où j'avais été plusieurs fois pendant ma première jeunesse. »
[C'était en 1797, lors de la chute de la Sérénissime.
Il avait alors vingt-trois ans.]
[...]
« Je passai mon temps de mon mieux dans cette délicieuse Italie.
Je ne l'ai jamais habitée ou même traversée sans éprouver
un sentiment de bonheur. » (T. II, p. 371 & 373)
Moi non plus. Et d'Ormesson ? Et Chateaubriand ?
J'ai donc hâte d'être sur la plage l'été prochain
et d'y reprendre la lecture des Mémoires de Marmont :
il est inconcevable que, pendant les quinze années
que couvrent les tomes 7, 8 & 9 (les règnes de Louis XVIII
et de Charles X), on n'y croise pas Chateaubriand.
J'en rendrai compte le moment venu.
Pour l'heure, quatre articles consacrés aux Mémoires de Marmont,
et en rafale ! s'il vous plaît, alors qu'on est plutôt rare,
sont bien suffisants, en dépit des liens établis à cette occasion, des rencontres et de la convivialité.
Un numéro de plus, et ce serait je ne sais quoi.
Un lassant feuilleton de la télé-réalité !
Tant la forme et le format s'ajustent naturellement au propos ;
et pas seulement en matière d'arts plastiques...