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6 décembre 2020 - J'ai retrouvé l'armure de Jeanne d'Arc

 

Pinon (Aisne)
Tour des de Courval [sic]
Armure de Jeanne d'Arc
Henry Rousseau, édit.
Carte postale n'ayant pas circulé,
sans date, dos divisé
(après 1903)
© Hervé MOLLA - 2020



Cette armure supposée de Jeanne d'Arc n'était probablement pas encore à Pinon lorsque Victor PETIT rédigea son opuscule déjà cité ; sinon il va de soi qu'il l'aurait mentionnée dans la visite de la tour pendant laquelle il nous a tant pressés tout en nous invitant à compter les marches et les mâchicoulis ; et même si Jeanne d'Arc n'était pas encore sainte et pas même bienheureuse...
Est-ce Ernest DUBOIS de COURVAL, avant sa mort en 1870, ou bien l'un de ses successeurs (mais lequel ? - Son fils Arthur meurt, lui, en 1873 et sa petite-fille Madeleine a alors trois ans.) qui fait l'acquisition de l'armure qui n'est signalée, semble-t-il, qu'en 1894 ?
D'une part en effet, si Albert SARRAZIN dans son ouvrage Jeanne d'Arc et la Normandie au XVe siècle (Léon GY Ed., Rouen, 1896) indique que cette armure a été « récemment découverte au château de Pinon », il ne nous dit rien de la façon dont elle y est arrivée.
De même qu'Hervé CABEZAS qui, dans son article « Le culte de Jeanne d'Arc en Grande-Bretagne » (p. 183 de la Revue d'archéologie moderne et d'archéologie générale, Presses de l'université de Paris-Sorbonne, 1986), évoque une armure dite « G178 répertoriée au musée de l'Artillerie de Paris au début du XIXe siècle » ainsi que « celle du château de la Tour-de-Pinon [sic] (Aisne) signalée dans un article de 1894 ».
Quant au Journal et feuille d'avis du Valais, ce n'est que dans son édition du mardi 12 mai 1908 qu'on apprend que l'armure vient d'être retrouvée.
On comprend que l'information n'est pas de première main et que, depuis une quinzaine d'années au moins, elle a été twittée et re-twittée hors de tout contrôle : la tour du château de Pinon est devenu le « château de la Tour-de-Pinon » ; la tour en question a été construite en 1830 et non plus entre 1821 et 1828 comme l'affirmait Victor PETIT ; Ernest DUBOIS de COURVAL est devenu marquis ; sa petite-fille, la princesse de POIX, est devenue sa fille tout en devenant comtesse...
Dans un tel contexte, peut-on vraiment croire que cette armure de Jeanne d'Arc, « Charles VII [...] l'avait commandée exprès pour elle » alors qu'on pensait qu'elle avait été achetée en prêt-à-porter, et même un Black Friday ?
Et peut-on vraiment croire que son « authenticité a été établie » ? Et par qui ?
Aujourd'hui, on aurait exhibé un expert ou au moins un spécialiste ! Et peut-être même aurait-on dénoncé un complot.
Au passage, dans le même Journal et la même Feuille, on retiendra surtout de l'analyse politique, et pour ne pas trop s'éloigner du sujet, la « déférence courtoise » attribuée à Guillaume II...

Journal et feuille d'avis du Valais
paraissant à Sion les mardi, jeudi et samedi

Édition du mardi 12 mai 1908, p. 3
Recadrage et montage : Hervé MOLLA
pour illustrer l'article de son blogue 
du 5 déc. 2020




Journal et feuille d'avis du Valais
paraissant à Sion les mardi, jeudi et samedi

Édition du mardi 12 mai 1908, p. 2
Recadrage et montage : Hervé MOLLA
pour illustrer l'article de son blogue 
du 5 déc. 2020

Pour en revenir à l'armure, la question se pose de savoir si elle était conservée dans la salle des gardes ou bien dans celle des chevaliers.
Une chose semble certaine en effet : l'armure de Jeanne d'Arc n'était pas conservée dans la « salle des dames » ! Car « ici, point d'armes » nous dit d'emblée Victor PETIT. Or ce sont bien des armes qui environnent l'armure sur notre carte postale ; et il est tout de même très-improbable que l'arrivée de l'armure de Jeanne d'Arc dans la tour de Pinon ait provoqué un bouleversement aussi important dans l'aménagement antérieur si bien réglé, en particulier dans sa hiérarchie, et qui montre une véritable vision de la part d'Ernest DUBOIS de COURVAL, tant esthétique que philosophique — Ernest DUBOIS de COURVAL qui savait bien, évidemment, qu'au XIIIe siècle, une salle des gardes ne pouvait pas se trouver au rez-de-chaussée.
Quoi qu'il en soit, la présence de l'armure de Jeanne d'Arc dans la tour de Pinon vient incontestablement continuer (car la question y était posée dès l'établissement de la tour) d'interroger le « genre ».
J'entends déjà les fous méchants, tapis dans leurs ténèbres, crier au complot mettant en œuvre on ne sait trop quelle « théorie du genre ». Conseillons-leur la lecture, et par exemple, et pour commencer, celle d'Annick de Souzenelle, Le Féminin de l'être : Pour en finir avec la côte d'Adam (Collection « Spiritualités vivantes », Albin Michel, Paris, 1997).
Ce qui me frappe quant à moi, c'est de retrouver à Pinon ces éléments topographiques (la tour néo-gothique sur une éminence, le château XVIIIe et ses jardins mêlés d'eaux vives en contre-bas) présents à Nîmes (Gard) et emblématiques de la ville, précisément (la tour Magne qui domine Notre-Dame et les Jardins de la Fontaine) où j'avais établi mon installation et ma performance L'Enlèvement d'Europe / The Rape of Europa qui ont laissé le site intact, bien sûr (après avoir été peut-être décriés, par des amoureux du patrimoine et des zones commerciales, pour avoir « massacré » ou « défiguré » le site, justement, ou la vue) dont on retrouve des éléments documentaires dans Blue4Boys-Pink4Girls et dont il était encore question ici tout dernièrement.

Un bonus pour finir, 
avec Le Chemin des Dames et ce qu'ils en ont fait, au point qu'il n'est plus guère aujourd'hui, au moins dans le vocabulaire, que ce qu'ils en ont fait, les dieux menteurs.