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8 décembre 2020 - J'ai mobilisé la seconde tour

Comme Cadet Rousselle, j'ai des maisons ; 
et l'une d'elles, comme au château de Pinon (en Picardie), 
a une tour dans son arrière-cour (« back yard » comme disent les Américains), sur une colline boisée d'où l'on jouit d'une vue, non sur la campagne picarde (cf Une matinée au château de Pinon, p. 65 et suivantes) mais sur le golfe du Lion et les étangs, une vue très jolie aussi et tout aussi étendue.
Sauf que la mienne, de tour, est plus ancienne que celle de Pinon puisqu'elle a été construite dans les années 1740, sans aucune prétention gothique (ce n'était d'ailleurs vraiment pas le goût de l'époque, et pas même encore en Angleterre !) ; et puis surtout, même si elle ne peut se targuer d'avoir abrité l'armure de Jeanne d'Arc comme celle de Pinon, ni avant la Première Guerre mondiale ni jamais, ma tour à moi, elle, est toujours debout.
Et si je parle de l'Angleterre et de Jeanne d'Arc, ce n'est pas pour un plaisir factice d'établir des liens avec d'autres articles de mon blogue, c'est parce que ma tour à moi porte localement le nom de « tour des Anglais ».
J'ai appris cela il y a peu. 
J'avais toujours dit « la tour »...



La tour des Anglais
(Backyard of Street Artist RV Molla,
10th of November 2020)
© Hervé MOLLA - 2020



Vue sur la Méditerranée
depuis la tour des Anglais
et autoportrait collatéral,
10 novembre 2020,
pendant le Second Confinement
© Hervé MOLLA - 2020




Vue sur les étangs depuis la tour des Anglais,
10 novembre 2020,
pendant le Second Confinement
© Hervé MOLLA - 2020




Cette « tour des Anglais », si j'avais bien compris que, là où elle se trouve (je ne parle pas du rayon du kilomètre réglementaire à moi autorisé autour de mon domicile, et comme à tout un chacun autour du sien, lors du Second Confinement en vigueur en France à l'automne 2020, et qui contribue à faire croire à chacun qu'il est lui-même, non pas au centre mais le centre de l'univers ; je parle de sa situation, infiniment plus pérenne, et même si la banquise tout entière venait à fondre à la faveur du réchauffement climatique, à moins de deux kilomètres de la Méditerranée), elle avait été construite, cette tour, pour surveiller et la côte et la mer, j'avais cru qu'elle avait été bâtie là pour surveiller de possibles incursions barbaresques. Car cela s'est vu.
D'autant plus qu'à proximité de la « tour des Anglais » de ma backyard, et comme pour me conforter dans cette idée des incursions barbaresques, j'avais découvert, à la faveur d'une promenade effectuée en conformité avec les pratiques autorisées lors du Second Confinement, des figuiers de Barbarie, précisément !
Et des figuiers de Barbarie couverts de fruits !
Et de fruits à maturité !



Figuiers de Barbarie (Opuntia ficus indica)
chargés de fruits à maturité,
à proximité de la « tour des Anglais »,
dans la backyard de Street Artist RV Molla,
10 novembre 2020,
lors du Second Confinement
© Hervé MOLLA - 2020



Mais malgré cette proximité, la tour n'est pas « des Barbaresques » (les choses ne sont pas toujours ce qu'on croit qu'elles sont), mais bel et bien « des Anglais » ; et voici pourquoi.
La tour ne date, je l'ai dit en ouvrant cet article (mais  l'information est toute récente pour moi qui pensais la tour sensiblement plus ancienne), que des années 1740 et, à cette époque et au moins sur ces côtes du Languedoc, c'était la menace anglaise qui était à redouter, semble-t-il, bien plus que celle des Barbaresques !
La tour fait partie, avec d'autres postes, bastions et redoutes situés le long de la côte et reliés visuellement les uns aux autres (rien d'original, cela se pratique depuis la nuit des temps), de tout un système de surveillance, et donc de défense, connu sous le nom de Système Mareschal - du nom de Jacques Philippe Mareschal (1689 - 1778), architecte, ingénieur ordinaire du roi en 1707 et directeur des Fortifications et des Ouvrages publics du Languedoc en 1739.
Ce qui est particulièrement intéressant dans cette rencontre (et dont je suis redevable de manière collatérale au Second Confinement) avec Jacques Philippe Mareschal, outre le fait que je sais lui devoir la tour de ma backyard, c'est qu'il est aussi l'architecte des Jardins de la Fontaine à Nîmes où j'ai réalisé en 2004 mon intervention L'Enlèvement d'Europe / The Rape of Europa, à l'occasion de la Biennale européenne d'art contemporain de Nîmes, installation-performance documentée à la fin de la page Blue4Boys-Pink4Girls de ce blogue.

Mais les figuiers de Barbarie, et chargés de fruits mûrs, qu'est-ce qu'ils venaient faire dans cette histoire ?
Peut-être ne faisaient-ils que partager une exposition avec la tour des Anglais : eux face au sud, elle face à la mer...
Et comme elle, ils étaient bien désirables.
Masqué, mais sans gants, le jour où je les ai découverts dans les parages de la tour des Anglais (ayant en outre presque épuisée l'heure récréative qui m'était allouée par les mesures dérogatoires du Second Confinement, et soucieux d'user de celle-là avec la tempérance que je me plais à cultiver), je me suis promis de revenir le lendemain ; et mieux équipé pour une collecte.
Mais sous quel prétexte ? 
La glane se rattache difficilement à l'un ou l'autre des motifs dérogatoires au Second Confinement...

En attendant, j'avais imaginé une installation 
(qui a pu être réalisée en effet, mais secondairement - la photo ci-dessous, et qui bouscule la temporalité, traduisant simplement mon impatience) qui n'était pas sans évoquer 



Nature morte / Still Life
Figues de Barbarie sauvages
au plat d'argent,
21 figues de Barbarie récoltées
par Street Artist RV Molla
à proximité de la tour des Anglais,
dans un rayon d'un kilomètre de son domicile
(et plus généralement en conformité
avec les mesures réglementaires en vigueur
lors du Second Confinement),
11 novembre 2020,
plat d'argent (poinçon au vieillard ;
bordure rapportée à motifs de rais-de-cœur
& poinçonnée à la Minerve)
© Hervé Molla - 2020


On remarquera que j'écris « Second Confinement »
avec des capitales initiales.
Sans faire preuve d'une myopie excessive, 
il me semble en effet que cet événement,
en Europe occidentale au moins, et probablement de façon différente parmi les pays qui la composent, marque un temps historique.