Oui, en relisant mon article du 9 décembre 2020,
je me suis souvenu que j'avais un figuier de Barbarie à la maison, et sans devoir aller courir dans mon arrière-cour comme tous ces temps derniers !
Le nopal, après être devenu un figuier de Barbarie, entre autres et après tout, peut bien être aussi une plante d'intérieur qui s'achète en jardinerie...
Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Ce n'est pas dans une jardinerie mais chez une antiquaire, marchande de tableaux et de dessins, que j'ai trouvé mon figuier qui est de même provenance qu'un autre objet à l'origine d'une action artistique menée le dimanche 1er juillet au parc de Villegénis en Hurepoix et qui avait fait se télescoper trois glacières.
Il s'agit en réalité, on l'a compris, non pas d'un « vrai » figuier, mais de l'image d'un figuier que l'on peut cependant véritablement dire « de Barbarie » (parler ici de « nopal », dans un contexte tout autre que celui de mon précédent article - et même si l'un se trouve lié à l'autre - serait d'une affectation ridicule) puisqu'il a été saisi à Tlemcen, le 22 mars 1849 ; et qu'il est très improbable qu'à cette époque-là, rencontrant cette plante arborescente et la trouvant suffisamment pittoresque, ou au moins suffisamment remarquable, pour la peindre, justement, un officier de l'armée française engagée depuis presque deux décennies dans la conquête, lui ait donné le nom de « nopal ».
C'eût été pousser le goût de l'exotisme un peu loin...
Adolphe JUNOT, né à Ciudad Rodrigo (Espagne) le 15 novembre 1810, quatre mois après la prise de la ville par les troupes françaises, est le quatrième enfant et le second fils du général JUNOT, premier duc français d'ABRANTÈS et de la duchesse, née Laure PERMON (les liens que je donne ici visent à renvoyer à des informations factuelles ; cependant, certaines connotations rencontrées à ces occasions me semblent animées par une malveillance dont il faudrait examiner les fondements).
Officier d'État-major, il participera aux campagnes de 1840 et de 1848 à 1852 en Afrique du Nord.
De ces campagnes, il rapportera de nombreux dessins et aquarelles, aujourd'hui dispersés et dont j'ai pu sauvegarder de manière privée des images numériques, et acquérir quelques originaux (tels ceux reproduits dans cet article) que je me fais un devoir de rendre publics alors que certains présentent un intérêt historique, et des plus importants.
J'y reviendrai le moment venu.
Capitaine de 1ère classe le 23 septembre 1845, Adolphe JUNOT deviendra aide-de-camp du général de MAC MAHON (ce dernier futur président de la République) le 23 septembre 1848 et sera promu chef d'escadrons le 10 mai 1852.
En 1851, Adolphe JUNOT avait succédé à son frère en tant que duc d'ABRANTÈS.
Aide-de-camp du prince JÉRÔME NAPOLÉON le 9 janvier 1854, officier de la Légion d'honneur en 1855, il accompagnera le prince en 1856 lors de son « Voyage dans les mers du Nord à bord de la corvette La Reine Hortense » (relaté par Charles Edmond CHOJECKI, publié par Michel LÉVY Frères, Paris, 1857 ; et illustré en partie d'après des aquarelles du duc d'ABRANTÈS, précisément).
Lieutenant-colonel d'État-major, il mourra le 19 juillet 1859 à Brescia (Italie) des blessures reçues quelques semaines plus tôt à la bataille de Solférino.
Le figuier d'Alphonse JUNOT est remarquable par sa taille : le personnage indigène, debout à l'extrême droite de l'aquarelle, à la limite de la feuille de papier (et que l'on n'avait peut-être pas remarqué, alors qu'on se pique de savoir lire les images, ou peut-être pas remarqué parce qu'un « personnage indigène », n'est-ce pas, et qui n'est pas le sujet de la représentation) donne l'échelle.
Oui, c'est le personnage indigène qui donne l'échelle du figuier arborescent.
A côté, le mien, mon figuier, celui dont je suis l'indigène, celui de ma backyard est minable ! Non pas à cause de moi, mais dans l'absolu ! Oui mais le mien porte des fruits dont les épluchures m'ont permis de produire de merveilleux collages !
Mais cette présence/absence de fruits est tout ce qu'il y a de plus normal : l'image de mon figuier a été saisie en novembre, alors que celle du figuier d'Adolphe JUNOT l'a été en mars... L'année manque, mais il est très probable que c'est en 1849.
En effet, dans cette suite de dessins et aquarelles rapportés par Adolphe JUNOT de la conquête de l'Algérie entre 1840 et 1852, et désormais dispersée (je le redis), deux aquarelles sont situées (au crayon) à « Tlemcen » et sont datées de « novembre 1848 » :
- une vue de la « mosquée Sidi Brahim » (205 x 250 mm),
- une autre d'un « café maure » (135 x 220 mm) ;
tandis que deux autres, elles aussi situées à « Tlemcen », sont datées d'un autre moment de l'année :
- l'une, en « février 1849 », représente « le marché de la porte d'Oran » (215 x 290 mm), alors que
- l'autre (celle du figuier arborescent) ne porte que le nom du mois, mar[s 1849 ? C'est le plus vraisemblable].
En mai et juin 1852, Adolphe JUNOT est de l'expédition du général de MAC MAHON à l'autre bout de l'Algérie, en Kabylie orientale.
Le 6 juin, il réalise cette aquarelle représentant un « Ouled Aïdoun soumis » (ainsi légendée).
On comprend qu'il s'agit d'un guerrier appartenant l'une de ces multiples tribus kabyles qui ont été hostiles aux troupes françaises d'occupation ou bien au contraire leurs alliées, et souvent successivement, dans un sens ou dans l'autre.
Sans doute en est-il ainsi dans tous les pays et dans tous les temps, depuis que la guerre existe ; surtout lorsqu'une puissance étrangère entre en lice qui vient profiter des divisions, les attiser et même tenter de rassembler sous sa bannière.
Séparation / réunion : artistiquement, je connais ça !
La question que je me pose devant cet « Ouled Aïdoun soumis » est de cette nature : Quel est ce costume ? En quoi consiste-t-il ? En particulier, quelle est cette pièce de vêtement, figurée en brun foncé, qui ressemble à une fourrure et qu'il porte sur le dos ? On dirait en effet que la vue a été prise depuis un quart arrière dans le seul but de montrer cette pièce de vêtement, tant elle serait importante. Plus encore, quelle est ce curieux couvre-chef ? Il semble fait d'éléments végétaux frais coupés, tressés en couronne...
Ces détails vestimentaires si particuliers étaient-ils le propre des guerriers de la tribu des Ouled Aïdoun, dans ces années 1850 ? Ou bien étaient-ils adoptés par eux lorsqu'ils entendaient marquer une allégeance, ainsi que la légende de l'aquarelle pourrait le laisser supposer ?
On entend souvent reprocher aux œuvres d'artistes qui nous sont contemporains (je l'ai entendu parfois à propos de mon propre travail) d'être « incompréhensibles » ; et ce lieu commun, mainte fois répétés, s'estime encore des plus recherchés !
Alors qu'évidemment, en France toujours, n'importe quel pékin, qu'il soit dévot ou ne le soit pas, se sent capable de vous faire la lecture d'un retable, d'un vitrail ou d'un chapiteau médiéval.
Eh bien, j'avoue quant à moi ne pas savoir lire cette image, que je propose ; image pourtant parfaitement située dans son contexte !
Alors, si quelqu'un, d'un côté de la Méditerranée ou de l'autre...
Et si j'accroche côte à côte ces deux aquarelles ?
Ces deux aquarelles de la même main, réalisées à quelque trois ans et un millier de kilomètres d'écart, et parmi d'autres, virtuelles, ainsi qu'il est précisé dans les cartels que j'ai intégrés, dans leur encadrements modernes, si l'on ne comprend pas, c'est qu'on ne veut rien comprendre.
Et surtout ne pas réfléchir !
Mais on reste bon pour les slogans publicitaires.
Bonus :
Patti Smith interprète La relève de la garde
que l'on peut écouter en contemplant.