Hervé Molla: 16 > 30 avril 2023 - « D'après Elles »

Espace o25rjj / 05 : Dora MAAR (1907 - 1997)

De même que Marie LAURE, Dora MAAR (Henriette Theodora MARKOVITCH) est une artiste qui ne porte ni le nom d'un père ni celui d'un mari.

Au départ, je porte les mêmes initiales que Dora MAAR ;

et que Henri MATISSE.

Et mon installation où elle figure est la plus nombreuse (avec celle où figurent Mauricette D*** / Anne de VILLÈLE / Pascale CIAPP, etc., mais elles s'y sont mises à plusieurs !) parmi la douzaine d'autres qui constituent l'exposition « D'après Elles » à l'Espace o25rjj, Loupian, Languedoc.

Les choses se sont faites comme coulant de source et les éléments composant l'installation sont venus concourir en temps et en heure, en quantité nécessaire et suffisance.

La question du « Nombre ».

Toujours par échantillonnage (sampling) je me suis inspiré
des 4 eaux-fortes (des paysages abstraits de Ménerbes) produites en 1956 par Dora MAAR pour illustrer le recueil de poèmes « Sol de la montagne » de son voisin du Luberon et ami André du BOUCHET.

A ma connaissance, c'est le seul travail à l'eau-forte qu'elle ait produit, ou au moins publié (mais, quand beaucoup s'y refusent le plus souvent ou bien en conçoivent ingratitude ou même rancune, je suis toujours extrêmement reconnaissant d'être détrompé !).

L'ouvrage a été tiré à 101 exemplaires, sous emboîtage toilé

(Jean HUGUES Éd. Paris, 1956).

C'est l'exemplaire 69 qui est présent.

J'ai trouvé le nombre amusant. Car c'est bien beau de s'intéresser au genre : le Genre (Gender), le Genre (Gender), toujours le Genre (Gender, ça nous saoûle !) ! ; mais le Nombre, qui s'intéresse au nombre ? A part Hervé MOLLA.

Et encore : « le Nombre dans sa valeur qualitative », comme il dit ; et dans le champ des arts plastiques !

C'est bien peu de chose. On est bien peu de chose.

Les 4 eaux-fortes en ont été extraites (de même que le colophon) et présentées sous encadrements.

En regard, sont présentés les collages après échantillonnage (sampling) qui en sont issus.

A la différence des autres installations « d'après Elles », les collages consécutifs aux échantillonnages (samplings) d'après Dora MAAR n'adoptent pas le format 21 onglets x 21 : c'est le format de la « Grande Figure humaine » qui est mis à contribution : dessinée par des onglets noirs quadrillés d'un filet blanc, elle s'inscrit dans un champ composé de 441 onglets où elle trouve sa juste place, immuable, et s'y révèle plus ou moins lisible en fonction des valeurs de contraste déterminées par l'échantillonnage de chacune des eaux-fortes.

Il m'a semblé pertinent en effet de faire ressurgir à cette occasion précise une figuration.

C'est pourquoi j'ai donné pour titre à ces résurgences particulières de la figure humaine « Bien qu'il fît encore tellement noir, on commençait à distinguer la Grande Figure humaine » (mes titres sont souvent bavards ; ou bien alors disons « précis », et font partie intégrante de l'œuvre qu'ils désignent) - titre qui fait bien sûr écho au poème de Picasso adressé à Dora « Il faisait tellement noir à midi qu'on voyait les étoiles », repris partiellement par Anne BALDASSARI pour l'exposition dont elle est la curatrice « Picasso / Dora Maar », Paris, musée Picasso / Melbourne, National Gallery of Victoria, 2006.

On trouve le catalogue d'exposition sur une chaise (Louis XV, relaquée blanc et recouverte d'un velours de laine mité postérieur ; mais rouge et qui ainsi complète la triade : noir, blanc, rouge) sur laquelle on peut s'asseoir afin de le consulter.

Page 22 du catalogue, on ne peut pas ne pas remarquer, du fait du contexte et si l'on est attentif et pas trop pressé, deux photographies qui renvoient à une autre femme artiste de l'exposition « d'après Elles ». Il s'agit de deux autoportraits de Dora MAAR dans l'atelier du 6, rue de Savoie avec Marie-Laure de NOAILLES (Paris, 1941).

A vrai dire, ce ne sont pas quatre mais seulement trois

collages de l'émergence de la Figure humaine qui sont présentés.

La feuille de Canson blanc appelée à accueillir le quatrième collage, en réponse à la quatrième eau-forte, reste en effet en attente ; les emplacements des onglets qui vont concourir au dessin de la Figure humaine y sont simplement matérialisés par de petites croix tracées au crayon.

Il s'agit de finir de construire.

Pour cela, en regard de l'esquisse,

deux bocaux « Le Parfait » (bocaux que j'ai beaucoup convoqués dans mon travail) sont posés sur un socle où ils voisinent avec le recueil « Sol de la montagne » dans son emboîtage et son colophon, quant à lui exposé ; ainsi qu'un exemplaire de l'ouvrage « Les Vies de Dora Maar » par Mary Ann CAWS (Éd. Thames & Hudson, Paris, 2000) dans lequel figurent les reproductions de deux des quatre eaux-fortes originales ici présentées (p. 199 & 200).

Il est dommage (surtout de la part d'une maison d'édition aussi prestigieuse) que l'une des deux eaux-fortes y soit reproduite à l'envers !

Dans chaque bocal des onglets en nombre nécessaire et suffisant pour dessiner et la Figure humaine (235 aonglets)

et le champ (441 onglets) où elle s'inscrit.

Enfin, on n'aura pas pu ne pas remarquer, accrochées au socle, deux lithographies (avec les encadrements dans lesquels je les ai trouvées à la veille de mon accrochage, et sans les avoir aucunement recherchées ; et comme si elles étaient venues à moi !), deux lithographies, donc, dites « Portraits de Dora Maar » et qui reprennent deux tableaux exécutés le 11 juin 1940 par Pablo PICASSO.

Ces deux lithographies sont extraites de l'ouvrage « La Guerre et la Paix » (de l'un des 3400 exemplaires de l'édition courante) par Claude ROY et Pablo PICASSO , Éd. du Cercle d'art, Paris, 1954.

Et maintenant ?

Je fais mes comptes :

de chacune, je tirerais bien 19 x 14 = 266 onglets ;

soit 532 onglets au total.

Une mort, suivie d'une résurrection ?

Ou au moins 18 x 13 = 234 ; soit au total 468 onglets.

Déconstruire les portraits déconstruits ?

Reconstruire la Figure humaine ?

What else ?

Quelle qualité attendre du Nombre ?

Dora,

nous qui avons partagé les mêmes initiales,

du temps que vous vous appeliez Henriette MARKOVITCH,

inspirez-moi en encore.

Hervé Molla

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